Mise en garde : malgré ses 573 pages, il file à la vitesse de la vie sans cesse rythmé par ses tourbillons !
Citation : « Mais toutes les personnes qui défendent des causes justes te le diront : pour chaque dollar destiné à améliorer la santé des femmes dans les pays en développement, par exemple, dix cents finissent dans les poches d’individus corrompus, et dix autres cents disparaissent dans la nature.»
Karine Leresche (Instagram : une_armee_de_resilients)
Infos techniques :
Auteure : Meg Wolitzer
Editeur : Le Livre de Poche Sortie : septembre 2021
La persuasion des femmes – Meg Wolitzer
Le prix du combat pour les droits des femmes
Dans ce dixième roman de la scénariste et auteure américaine, ce sont plusieurs années d’Histoire et de combats engagés pour la cause des femmes qui sont livrés à la fois avec mesure et intensité.
C’est en 2006, lors d’une conférence, que Greer, alors jeune étudiante introvertie, croise la route de Faith Frank, femme engagée dans la lutte pour les droits des femmes. Cette rencontre inspirante, qui survient peu après qu’elle fut agressée, va bouleverser la vision de Greer, donnant à son chemin de vie privée et professionnelle un virage important qui va rythmer les années suivantes.
Quelques années après cette conférence, à la fin de ses études, Greer souhaite trouver un emploi qui lui permet de s’engager pour une cause destinée à améliorer le monde. Au-delà d’un simple travail, elle souhaite participer à un projet qui fait sens. C’est ainsi qu’elle recontacte Faith et rejoint son équipe chez « Loci », association financée par une très grande entreprise qui semble vouloir s’impliquer pour redorer son image.
Toujours admirative devant Faith, Greer s’engagera, s’impliquera du plus profond d’elle, mettant toute son âme et son cœur autant dans ses missions que pour être à la hauteur face à Faith. Ce don d’elle-même rendra très fine la limite entre le rapport hiérarchique et personnel. Aussi fortes que soient ses convictions, le monde de Greer va cependant se déformer lorsqu’elle réalisera que le mensonge et la trahison font partie du jeu et que son héroïne, pour pouvoir continuer la lutte, accepte parfois de fermer les yeux sur la malhonnêteté et la corruption.
Est-ce que nous sommes notre travail ou est-ce que notre travail reflète qui l’on est ?
Quelle est la limite entre leadership et pouvoir ?
Jusqu’où peut-on faire des concessions afin de pouvoir mener son combat pour une cause ?
Tant de questions abordées par l’auteure avec une approche psychologique d’une finesse déroutante ! Dispersée au fil des pages, son analyse très construite est diffusée comme des messages subliminaux qui s’implantent discrètement pour faire éclore de grandes réflexions auprès des lecteurs.
Meg Wolitzer amène la question du sens et des valeurs personnelles dans sa globalité, explorant tous les axes du sujet, amenant des interrogations profondes sur les limites de l’implication, les concessions à faire dans un monde où l’argent et le pouvoir règnent. Elle dénonce avec mesure et contraste, chose appréciable à l’heure où l’on prend la mauvaise habitude de crier fort et avec violence, pensant mieux se faire entendre.
Sororité, premier grand amour, deuil sont également abordés avec un regard saisissant, un niveau de détail impressionnant, tout en berçant le lecteur dans cette histoire au rythme bluffant.
Ce livre est une immersion au cœur d’un combat sans fin, qui dénonce sobrement le système dans son ensemble, met en évidence la limite de l’admiration que l’on peut développer pour nos leaders et éveille des questions de sens très pertinentes.
Ce roman est une claque, de celles données « d’une main de fer avec un gant de velours » !
Karine Leresche
Instagram : @une_armee_de_resilients